SCI Pharmtech est un des leaders dans la production de médicaments à Taiwan. En début de semaine la société faisait la une de tous les médias avec des fumées et des flammes impressionnantes dominant le site industriel. Le bilan est encore très limité avec un mort et un blessé. Découvrons ensemble le déroulement des événements ainsi que les pertes engendrées par sa destruction.
Le site de production de SCI Pharmtech se trouve dans la zone industrielle de Haihu (海湖) distante de plus de 5 km en voiture au nord-est de l’Aéroport International de Taoyuan dans le comté du même nom. Cette zone, située à quelques centaines de mètres du bord de mer, abrite une grande quantité d’usines travaillant dans tous types d’industries.
Le 20 décembre dernier, un feu s’est déclaré aux alentours de midi donc dans cette usine de produits pharmaceutiques très réputée et considérée comme étant une des majeures dans la production des ingrédients pour fabriquer de grands médicaments livrés dans le monde entier.
A partir des derniers éléments révélés jusqu’à hier soir, l’incendie aurait provoqué la mort d’un ouvrier philippin d’une trentaine d’années présent sur le site. Il est mort dans la nuit suivant l’incendie en succombant de ses brûlures qui recouvraient 90% de son corps au troisième degré. Une autre personne est également blessé et hospitalisée avec des blessures plus légères et 4 autres ouvriers ont été victimes de blessures légères.
Pour donner une idée de l’ampleur de l’incendie, il aura fallu attendre mardi matin soit 45 heures pour maitriser l’incendie complètement qui aura touché au final 5 autres usines.
D’après les premiers éléments dévoilés par les pompiers et la municipalité ce serait une explosion dont la déflagration se serait entendue jusqu’à Tamshui située à 20 km du site qui aurait été l’origine de cet incendie. Selon les déclarations récentes du capitaine des pompiers ainsi que la municipalité de Taoyuan, une importante quantité de sodium était présente dans l’usine ayant sans doute causé la première explosion mais également une seconde alors que les soldats du feu étaient en pleine procédure de réduction des flammes. Une explosion qui aurait été provoquée par des barils de sodium en réaction avec la projection d’eau sur les flammes. En effet l’eau n’est pas utilisée dans l’extinction de ce type d’usine pour éviter des réactions chimiques avec le sodium lors d’un feu. Il est en général utilisé ce qu’on appelle un retardant à la place.
Cette seconde explosion qui aurait pu être fatale a été causée par des barils de sodium qui n’avaient pas été mentionnés dans la liste des produits chimiques rendus aux pompiers par la société SCI Pharmtech lors de leur arrivée sur site. En effet d’après le rapport du capitaine des pompiers, la société leur avait informé qu’il y avait environ 2,5 barils de sodium soit environ 375 kilos mais d’après une inspection après avoir maitrisé l’incendie, le maire a annoncé qu’il y aurait eu 6 fois plus de barils qu’annoncé en trouvant au total 8 barils et un équivalent de 1050 kilos de sodium. La municipalité de Taoyuan a décidé de sanctionner SCI pharmtech pour avoir menti sur ses stocks avec une amende record de 700 000 dollars taiwanais, soit plus de 20 000 euros, après avoir approuvé une nouvelle règlementation pour les sanctions encourues avec le gouvernement taiwanais.
L’usine fabrique au total 44 types de solutions de base pour toutes sortes de médicaments. Parmi ces solutions il y a le sulphate d’hydroxychloroquine, l’ingrédient principal du médicament portant le même nom, qui est beaucoup revenu dans les conversations en 2020 en étant conseillé comme traitement de la pandémie de Covid-19.
Cette usine est une des principales produisant ce composant au monde mais ce n’est pas la seule. Il y a la plus importante en Inde qui est Ipca, mais aussi celle en Hongrie appartenant à Sanofi et fabricant pour le marché français, il y a également d'autres laboratoires dont 10 ayant les certifications pour fournir le marché européen.
D’autre part l’usine avait fourni un stock d’une tonne d'hydroxychloroquine au début de la pandémie au gouvernement soit de quoi traiter plus de 200 000 patients dont seulement une petite portion a été distribuée par Taiwan a des pays alliés et le reste toujours disponible si besoin. L’usine taiwanaise ne fournit pas plus le marché français.
L’incendie a pollué non seulement l’air mais aussi l’ensemble des égouts environnants et la reconstruction de l’ensemble du site prendra environ 6 mois si la structure restante est encore capable de tenir. L’usine va devoir interrompre la production au moins jusqu’au nouvel an lunaire mais le groupe pharmaceutique a voulu rassurer en disant que les salaires des 270 personnes employées sur le site ne sera pas changé. Une enquête plus profonde est en cours pour connaitre les raisons de cette explosion qui coûtera, au bas mot et selon les premières estimations, près de 800 millions de dollars taiwanais soit plus de 23,32 millions d’euros en dommage matériel sans compter les pertes de stock, compensation des salaires et les commandes annulées jusqu’à la fin du premier semestre prochain. Une des premières raisons évoquée ces deux derniers jours est l’accélération de la production, augmentant le stockage des produits à manipuler mais aussi l’obligation d’embaucher des intérimaires peu qualifiés et formés à manipuler ce genre de produits pour répondre à la demande de ces derniers mois.
SCI avait fait financièrement une très bonne année en 2020 avec une augmentation de leurs profits de 10,8% par rapport à 2019 et s’élevant à 2,61 milliards de dollars taiwanais sans les revenus du mois de décembre.
Enfin pour finir ce décryptage, les incendies et explosions de sites industriels surviennent plus souvent qu’il n’y parait que ce soit à Taiwan ou ailleurs, nous pouvons citer rien qu’à Taiwan une vingtaine de cas pour l'année 2020. L’ampleur de l’explosion et le fait qu’un travailleur migrant étranger soit décédé ont fait de cette nouvelle une nouvelle plus importante. Cependant, si vous faites des recherches, très peu de médias locaux anglophones auront repris cette actualité simplement en raison de la régularité de ce type d’événements. Pour finir, beaucoup de médias français non conventionnels ont repris cette actualité en se basant sur le fait que cette usine produit le sulphate d’hydroxychloroquine et mettant en avant la possibilité d'une volonté de nuire à la production de la substance. Cependant, étant donné les capacités de production mondiales, la faible utilisation du produit partout dans le monde en raison de son inefficacité constatée par la plupart des établissements médicaux après des phases d'essai et les stocks importants récemment accumulés en préparation d’un besoin potentiel au début de la crise du covid-19, une pénurie est encore loin d’être à envisager, et même avec cette usine de 5 étages hors d’usage pour les 6 prochains mois il n'y aurait pas de problèmes à compenser une demande mondiale.