close
RTI françaisTélécharger l'App
Ouvrir
:::

Entretien avec la parlementaire lituanienne Dovilė Šakalienė sur les relations entre Taiwan et la Lituanie : partie 2

  • 13-10-2021
Décryptage
Dovile Sakaliene (photo facebook)

Ce décryptage est une retranscription et mise en contexte de l'entretien du service anglophone de Radio Taiwan International avec Dovilė Šakalienė.

Retrouvez la première partie de cet entretien dans le décryptage de la semaine dernière.

Le Parlement européen a adopté le mois dernier le rapport donnant les six piliers de la nouvelle stratégie engageant le Parlement européen avec la Chine.

Dans ce cadre, les membres du Parlement européen rappellent à la Commission européenne et au Conseil européen d’avancer sur un accord commercial d’investissement spécifique avec Taiwan.

D’autre part, un autre rapport spécifique aux relations avec Taiwan doit être également voté par le Parlement européen prochainement ce mois-ci.

Dans cette série sur les personalités politiques qui se manifestent sur les sujets de la Chine et de Taiwan, nous avons vu lors de deux premiers épisodes, à travers le témoignage de deux députés européens, dont un faisant parti dela liste des 10 personnages politiques à être sanctionnés par la Chine, leur vision des relations avec la Chine puis avec Taiwan. Cette semaine le témoignage de Dovilė Šakalienė continue. La parlementaire du parti social démocrate lituanien et également participante à la vidéo créée par l’alliance interparlementaire sur la Chine (IPAC) le 13 septembre dernier condamnant la pression et les sanctions sur la Lituanie pour ouvrir un bureau de représentation de Taiwan en Lituanie, nous explique les raisons qui ont poussé ces parlementaires à créer cette vidéo : « Avec cette vidéo en particulier, ce que j’espère, en tant que membre du Parlement lituanien et responsable envers mes électeurs, mon peuple, le peuple lituanien, est d’obtenir du soutien, de l’aide et de la compréhension de la part des pays démocratiques tout autour du monde. J’aimerais citer Reinhard Bütikofer, qui est un membre de Parlement européen, qui a dit : « si la Lituanie est punie par Pékin, ses alliés démocratiques à travers le monde peuvent se préparer à la soutenir. » Un autre moment très sensible dans la vidéo a été lorsque la représentante Shiori Yamao a dit que Taiwan a un rôle vital à jouer dans la communauté internationale et que tous les états ont le droit d’établir des relations avec Taiwan comme bon leur semble. »

Pour apporter un peu plus d’informations concernant cette vidéo, le 13 septembre dernier, suite aux sanctions annoncées par la Chine contre la Lituanie, l’Alliance interparlementaire sur la Chine (IPAC) a partagé une vidéo d’une durée d’une minute et cinquante secondes condamnant la Chine et appelant les démocraties du monde entier à resister aux pressions chinoises. Des parlementaires de pays, non seulement européens, mais aussi de plusieurs pays se situant tout autour du monde ont participé à cette vidéo. Parmi eux se trouvaient également un représentant du Parlement néozélandais et Shiori Yamao, mentionnée par Dovilė, une membre de la Chambre des représentants du Japon.

Mais pour revenir à la Lituanie et l’Europe, il a été demandé à Dovilė son point de vue sur comment l’Union Européenne est capable de résister aux pressions chinoises. Est-elle prête ? « Bien sûr ! C’est une réponse très simple. Ce qui est important dans cette situation est que nous comprenons que la Chine a eu recours à des techniques de division, que ce soit à travers le format 17+1 ou sa diplomatie des « loups guerriers », qui essaient d’exploiter nos points faibles et de nous retourner les uns contre les autres. L’Union Européenne est une grande machine démocratique, c’est parfois un peu lent, mais le message est de plus en plus dynamique, les pays démocratiques doivent se serrer les coudes et nous devons soutenir même les plus petits membres de notre communauté. Une des choses qui frustrent le plus la Chine est que la Lituanie est membre de l’UE et de l’Otan et c’est une autre preuve que ces formats internationaux ne font pas que protéger mais rendent aussi plus forts leurs plus petits membres. Nous sommes un petit pays, mais vous voyez, nous sommes durs à cuire car nous avons des grands frères et des grandes soeurs à nos côtés et nous nous serrons les coudes. J’espère que parler de Taiwan nous permettra de développer nos relations dans beaucoup de domaines, de la culture à l’économie, en passant par la santé, le contexte de la pandémie nous a donné beaucoup plus de matière à travailler ensemble et à discuter, et toutes choses qui nous semblent adéquate, NOUS, nous le déciderons, vous (Taiwan) et nous (la Lituanie).

La Lituanie, à travers un passé douloureux, est un pays dont les positions envers la Chine sont très ancrées. Malgré sa taille, elle peut résister car le monde actuel est fait d’alliances, d’alliances géographiques, économiques mais aussi idéologiques. Comme l’a expliqué Dovilė, la Lituanie n’est pas seule, et c’est à partir des sanctions inappropriées envers la Lituanie que les institutions européennes et les pays membres ont commencé à réagir. Car, bien que la Lituanie soit un petit pays, l’Europe ne peut pas laisser un de ses membres subir ce genre de représailles sans réagir. L’Union Européenne montrerait sa grande faiblesse si elle ne réagissait pas.

Dovilė explique sa vision de l’impact que la décision lituanienne a eu sur le regard que le monde porte sur la Chine et sur Taiwan : «​​​​​​​ Je vais être honnête, la Chine est un de ces pays qui n’est pas content de l’ordre mondial actuel. L’ordre mondial actuel est basé sur des règles, des normes internationales. Il ne soutient pas vraiment les pouvoirs suprêmes qui sont dépourvus de règles, d’accords et de normes. De mon point de vue, la Chine essaie de défier ce système et de le changer. Notre position, en tant que tout petit pays qui a horriblement souffert, cela nous a pris 5 décennies pour gagner à nouveau notre indépendance, être une voix dénonçant les violations des droits de l’homme, être un soutien pour les autres démocraties qui souffrent ou sont mises en danger par des régimes autoritaires, est également une manière de donner le message que cela ne dépend pas de la taille ou de la puissance économique dans ce contexte. Je pense que cela va être très difficile, et probablement pas seulement pour une seule année, cela va être difficile pour plusieurs décennies. La Chine est un pays immense, et géopolitiquement parlant un acteur très puissant. Ce n’est donc pas un sprint mais un marathon, la Lituanie a déjà fait un marathon durant un demi-siècle, nous sommes prêts à en refaire un. »

Cette annonce rappelle la résistance de la Lituanie face à l’Union Soviétique, elle était le premier pays sous contrôle soviétique à avoir obtenu l’indépendance. Certains commentent cette partie de l’histoire en disant que la Lituanie a osé déclarer l’indépendance, mais Dovilė veut rappeler que c’est après avoir brisé le contrôle soviétique que l’indépendance a été obtenue, pour elle, ce n’est pas une « simple » déclaration d’indépendance : « La première chose est que j’estime que nous n’avons pas déclaré l’indépendance avant que l’Union Soviétique soit dissoute, nous l’avons brisée. C’était un régime qui a occupé notre pays, qui a utilisé des tactiques agressives et de la propagande pour faire croire au monde que nous nous étions inclus volontairement dans l’Union Soviétique, alors que ce n’était pas vrai. Ils nous ont occupé. L’autre chose qui est très importante est le désir de liberté, l’esprit libre qui anime les Lituaniens, qui est très ancré. Il fût un temps où nous étions le plus grand pays d’Europe, allant de la mer Baltique à la mer Noire, en réalité la Lituanie a été pendant des siècles un des plus grands pays d’Europe si ce n’est le plus grand. Mais nous avons toujours fait preuve de tolérance, nous n’avons jamais retiré de religion ou de langues des nations qui étaient connectées avec la nôtre. Il y a toujours eu des alliances, nous avons notre Etat depuis tant d’années, plus d’un millénaire, et personne ne pourra briser notre esprit libre. Et si l’Union Soviétique nous occupe pendant un demi-siècle, nous survivons, nous avons pris un énorme risque pour briser l’Union Soviétique, mais nous avons réussi. Donc lorsqu’on voit une autre nation qui se bat pour son droit d’autodétermination ou simplement pour les droits fondamentaux de l’homme, nous ressentons une affinité, nous savons ce que cela fait, et l’esprit de liberté ne peut être tué. »  

Pour terminer cet entretien, Dovilė envoie un message d’espoir aux Taiwanais : «​​​​​​​ Restez forts, la situation va s’améliorer, vous avez des amis et des alliés et nous sommes, de tout notre coeur, avec vous. »

Animateur(s) de l’émission

Vos commentaires