La semaine dernière se sont déroulées les élections générales aux EFM, un scrutin déjà évoqué dans la revue Asie-Pacifique de mardi dernier, qui visait à renouveler les 14 membres du Congrès, le parlement monocaméral de cette fédération composée de plus de 600 îles, pour seulement 100 000 habitants.
Pour rappel, le Parlement local est composé de 4 sénateurs, un pour chacun des 4 Etats (Chuuk, Pohnpei, Kosrae et Yap), élus pour 4 ans et de 10 représentants de district, élus pour 2 ans. Le président, qui est à la fois le chef de l'Etat et le chef du gouvernement, ainsi que le vice-président sont ensuite élus par le Congrès parmi les 4 sénateurs récemment élus.
Or, suite au scrutin du mardi 7 mars et selon les résultats préliminaires certifiés par les autorités micronésiennes, c'est Peter Christian, président de 2015 à 2019, qui a remporté le siège de sénateur pour l'État de Pohnpei avec 4467 voix, battant ainsi le président actuel David Panuelo, qui n'est parvenu à obtenir que 2045 bulletins, excluant ainsi automatiquement toute possibilité de réélection à la tête de l'Etat et du gouvernement. Il reste en revanche en poste jusqu'à l'ouverture de la nouvelle session parlementaire, qui se réunira le 11 mai pour élire, parmi les 4 sénateurs, celui qui occupera les postes de président et de Premier ministre. Peter Christian, donné favori, pourrait donc revenir au pouvoir.
Mais après la publication des résultats, David Panuelo a déclaré dans une longue lettre de 13 pages adressée au Congrès, datée du 9 mars et consultée par plusieurs médias tels que RNZ ou Benar News avoir été menacé physiquement par des représentants chinois et a accusé Pékin d'espionnage dans l'archipel.
La liste de révélations est longue et embarrassante pour la Chine, accusée par le président micronésien de l'avoir fait surveiller et de tenter régulièrement de corrompre des représentants micronésiens via des pots-de-vin en cash ou en nature, en offrant par exemple des vols en jets privés ou des téléphones portables, posant également, on l'imagine, des risques de sécurité nationale.
David Panuelo a aussi déclaré que lui et ses ministres avaient été harcelés par l'ambassadeur de Chine, qui cherchait à forcer l'archipel à acquérir des vaccins chinois pendant la pandémie de Covid-19. Panuelo a même ajouté avoir dû, avec le ministre des Affaires étrangères, changer de numéro de téléphone afin de mettre fin au harcèlement.
David Panuelo a aussi recommandé au Congrès de reconnaître diplomatiquement Taiwan, et a aussi affirmé avoir rencontré, le mois dernier, le ministre taiwanais des Affaires étrangères Joseph Wu, assurant qu'il avait obtenu que Taiwan verse, en l'échange d'une reconnaissance diplomatique, 50 millions de dollars américains d'aide au développement via un fond national, ainsi que 15 millions de dollars américains d'aide par an.
Une nouvelle également embarrassante pour la diplomatie taïwanaise, qui a toutefois confirmé vendredi dernier que le ministre Joseph Wu avait bel et bien rencontré David Panuelo le mois dernier, sans préciser le lieu de la rencontre. Sans doute inquiète de ne pas augmenter le malaise, la diplomatie taïwanaise a reconnu que les deux représentants avaient bien discuté, selon ses mots, d'une éventuelle "expansion des relations bilatérales avec Taiwan".
Mais le ministre taiwanais des Affaires étrangères a refusé de commenter sur les détails de l'établissement des relations officielles mentionnées par le président de Micronésie. Car de tels arrangements, s'ils sont apparemment courants, donnent plutôt une mauvaise image qui renvoie à une certaine pratique de la dite " diplomatie du dollar".