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Controverse autour des peines liées à l'IVG

  • 05-11-2024
Décryptage
Campagne contre la criminalisation de l'avortement, qui indique que

Le ministère de la Justice a présenté récemment dans un communiqué de presse un projet de loi qui touche à la législation autour de l’interruption volontaire de grossesse (IVG ou avortement), y compris le code pénal et le montant des amendes pour avortement illégal, et qui a fait réagir la société et les groupes de défense des droits des femmes. Les réactions ont été si fortes que le projet a été retiré aujourd'hui.

L'avortement a été légalisé par la loi sur la santé génétique (優生保健法), promulguée en 1985 et amendée pour la dernière fois en 2009, qui rend l'avortement accessible soit pour des raisons médicales, soit si la grossesse résulte d'un viol ou d’un rapport avec un homme qui ne peut pas légalement se marier avec la femme enceinte, ou bien si la grossesse ou l'accouchement s'avère susceptible d'affecter sa santé mentale ou sa vie familiale. 

Cette loi est critiquée par certains comme étant discriminatoire et manquant d'engagement envers les droits reproductifs des femmes, car :

- l'accent mis sur l'eugénisme, comme en témoigne le nom de “loi sur la santé génétique”

- l'avortement est toujours criminalisé par le code pénal 

- les mineures doivent obtenir le consentement de leurs parents, et les femmes mariées doivent avoir le consentement de leur conjoint si la raison de l’IVG n’est pas médicale. 

 

Le ministère proposait plusieurs changements : 

1/ La suppression de l'article 292 du Code pénal : 

Article 292

Sera puni d'un emprisonnement d'un an au plus ou d'un emprisonnement de courte durée celui qui, par écrit, dessin ou autre moyen, aura fait publiquement la publicité d'une méthode ou d'un objet à utiliser pour l'avortement ou qui aura offert ses services ou ceux d'une autre personne pour l'avortement ; à la place ou en sus de cette peine, une amende de 30 000 NTD au plus pourra être prononcée.

2 / Amendement de l’article 288 du code pénal : au paragraphe 3, "coupable mais exemptée de peine" deviendrait "non punissable".

Article 288

Une femme enceinte qui provoque son avortement par la prise de médicaments ou par d'autres moyens est condamnée à une peine d'emprisonnement ne dépassant pas six mois, à une peine d'emprisonnement de courte durée ou à une amende ne dépassant pas 3 000 NTD.

La femme enceinte qui permet à une autre personne de provoquer son avortement est passible de la même peine.

Si la commission d'une infraction visée à l'un des deux paragraphes précédents est nécessaire en raison d'une maladie ou pour éviter un risque vital, la personne est coupable mais exemptée de peine.

3 / Augmentation du montant des amendes

dans l'article 288 : pour la personne qui avorte

-de 3 000 NTD à 80 000 NTD (86 à 2 300 €) 

dans l'article 290, qui vise les personnes qui pratiquent des avortements à des fins lucratives : 

-de 15 000 NTD à 500 000 NTD (430 à 14 400 €) 

-de 15 000 NTD à 1 millions de dollars (430 à 28 775 €) si la personne subit des lésions graves suite à l’avortement.

-de 15 000 NTD à 2 millions de dollars (430 à 57 551 €) si la personne décède de l’avortement.

 

Le 2 novembre, le ministère de la Justice a publié un communiqué expliquant que la peine maximale prévue à l'article 288 du Code pénal est de six mois d'emprisonnement, et cet amendement ajuste seulement le montant de l’amende, pour plus d’équilibre entre la peine d’emprisonnement et l’amende. Cela fait partie d’un projet plus large d’harmonisation entre la durée des peines de prison et montant des amendes. Le ministère assure dans son communiqué que l'amendement sera soigneusement évalué et délibéré, afin de se conformer à l'objectif de la CEDAW (Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes), et d'améliorer la protection du droit des femmes à disposer de leur corps et leur droit à la santé, ainsi que de veiller à l'équilibre avec la protection de l'enfant à naître.

La Awakening Foundation a indiqué que le rapport de la CEDAW en 2022 a recommandé la dépénalisation de l'avortement, et que la dichotomie entre le droit d'une femme à décider d'interrompre sa grossesse et le « droit à la vie du fœtus » est une tactique couramment utilisée par les groupes religieux conservateurs, qui évite le fait que la restriction de l'autonomie du droit des femmes à interrompre une grossesse est essentiellement une question d'égalité entre les hommes et les femmes. La loi sur la santé génétique exige le consentement du conjoint pour avoir recours à l'avortement, une condition que les groupes de défense des droits des femmes cherchent à éliminer depuis des années, mais que le ministère de la Santé refuse d'abroger. La Ligue des femmes de Taiwan souligne que le choix de l'avortement fait partie du droit des femmes à disposer de leur propre corps ; il peut être réglementé ou restreint, mais ne devrait pas être considéré comme un crime. Elle demande au ministère de la Justice de discuter avec le ministère de la Santé pour supprimer le délit d'avortement du code pénal, et supprimer la clause qui oblige les femmes mariées et mineures à obtenir l’approbation de leur mari ou de leurs parents pour pouvoir avorter de la loi sur la santé génétique.

Le 5 novembre, le ministère de la Justice a publié communiqué remarquant l'absence de consensus sur le sujet, et annonçant le retrait de ce projet de loi. 

Textes des lois en anglais : Loi sur la santé génétique  et Code pénal (chercher les articles 288 à 292 sur l’avortement) 

Animateur(s) de l’émission

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