Depuis 30 ans cette année, les îles Matsu, un archipel taïwanais à quelques kilomètres des côtes chinoises n'ont plus un statut réduit à un champ de bataille.
L’archipel connaissait depuis 1949, une administration stricte de la loi martiale. Sous contrôle de l’armée, l’accès aux îles a été limité durant de longues années et des installations militaires ont été construites à travers ces îles à quelques dizaines pour protéger cette ligne de front. On trouve encore aujourd’hui de nombreuses structures militaires, tunnels, postes de gardes, forts en béton, casernes... Le paysage militaire va jusque dans les plantes de l’île, dont certaines espèces furent plantées pour protéger naturellement d’une invasion du fait de leur capacité defensive.
La biennale d'art des îles Matsu, a démarré le 12 février et s'étend jusqu'au 10 avril dans les 5 îles principales du comté de Lianjiang, le nom administratif de l’archipel. Evénement artistique majeur, le but est de changer l'image d'îles militarisées et de faire valoir un terroir et une richesse culturelle unique. Paysages quelque peu méditérranéens, vestiges et présence militaire, culture et folklor Mindong... Les artistes, architectes et autres participants taïwanais et internationaux invités pour l’occasion ont eu pour mission de proposer des oeuvres portant sur la culture locale.
En parallèle, la biennale se construit comme un événement à long terme, sur 10 ans. Le gouvernement, commissaires d'exposition et organisateurs souhaite mettre cette biennale au service d'une politique culturelle à long terme. Laissant une place à l'architecture et au paysagisme, le gouvernement affiche aussi l'objectif de mettre les réflexions artistiques et les dialogues ouverts par cette biennale au service d'une meilleure politique de développement. Les îles n'ont en effet pas toujours connu des constructions heureuses, en témoigne des tours résidentielles ou hôtels de qualité architecturale discutables tronant au milieu du paysage. De surcroît, cette ambition s'inscrit sur des démarches déjà engagé depuis plusieurs années avec l'implication active de groupes citoyens, associations ou professionnels engagés.
Dans cette double émission, nous abordons le contenu artistique et la vision de plusieurs commissaires d'exposition concernant cette biennale reposant sur le terroir et la culture unique des îles Matsu. Dans deux semaines nous reviendrons sur cette politique culturelle atypique à Taïwan, mêlant ambitions artistiques, paysagères, urbaines et architecturales ainsi que sur l'organisation institutionnelle d'une telle démarche.
Edit : Au regard de la situation internationale, cette transition d'une ancienne ligne de front vers une plateforme artistique, culturelle et architecturale prend une dimension supplémentaire... La biennale est aussi un espoir pour un avenir où ne se concentrent plus des troupes militaires mais des équipes d'artistes, d'architectes et de citoyens.
Pour aller plus loin :
Tsao Kai-Zhi_Underground Narration — Digging Light in the Eternal Night
Liao Chien-Chun_Zhuluo Art Installation
Chen Xuan-Cheng et Liao Yi-Mei_Listening the Voices of the Island
Clay doll|Wu Chi-Zeng ,Chen Hoo-Sin , Han R-Ting,Hsu Yu-Ni
NO!W Across Lab|Yang Fang-Yi , Lin Chun-Tso, Peng Yu-Hong, Wu Yi-Jing, Lin Tzu-Fen, Lin Chi-Hua
Ray Chu et Liu Po-Hung_Highlights of Contemporary Architecture in Matsu
Liu Po-Hung_Islands in Evolution